La normalisation : consiste à édicter et se soumettre aux normes sociales
Une norme sociale est une règle dictée par un groupe ou une société et qui reflète des critères d’approbation ou de désapprobation sociale (on parle de désirabilité sociale).
Les normes sociales peuvent porter sur des comportements, des jugements, des attitudes, des opinions ou des croyances (normes de comportement ou normes de jugement).
Les normes sociales permettent d’assurer le lien et la cohésion social. Elles rendent les comportements prévisibles et elles permettent de réduire l’incertitude, notamment dans des situations nouvelles.
En l’absence d’un cadre de référence déjà défini, les individus s’en construisent un à travers les normes sociales. Plusieurs expériences de psychologie sociale montrent qu’en l’absence de norme préexistante, les estimations individuelles convergent vers une estimation commune, une norme commune (voir les expériences de Shérif ou Montmollin) : c’est ce que l’on appelle la normalisation. On parle d’un « effet de convergence ».
Lorsque la réalité est floue, chaque individu a besoin de la définir, notamment en regardant comment se comportent les autres. Nous avons tendance à ajuster notre comportement à celui des autres lorsque nous ne savons pas comment nous comporter (Voir le concept de « preuve sociale » présenté dans la partie sur le conformisme).
Deux normes sociales sont présentées dans cette partie : la règle de réciprocité et le principe de rareté.
1. La règle de réciprocité
Règle de réciprocité : La règle est qu’il faut s’efforcer de payer en retour les avantages reçu d’autrui (Cialdini, 1990).
Si quelqu’un nous rend service, nous devons lui rendre ce service à notre tour. Si un ami nous envoie un cadeau d’anniversaire, nous ferons de même.
Chacun de nous a intégré cette règle sociale et connaît les sanctions sociales qui frappent les contrevenants: ils sont traités d’ingrats, de profiteurs…
Parce que ceux qui prennent sans s’efforcer de donner en retour encourent la réprobation générale, nous sommes prêts à tout pour éviter cela. C’est là que parfois nous nous laissons prendre au piège par des individus qui cherchent à profiter de notre sentiment d’obligation.
D’après Cialdini (1990), la règle de réciprocité possède 3 caractéristiques:
- Elle a une grande puissance d’action: Cette règle possède une force suffisante pour produire une réponse positive à une requête qui sans ce sentiment d’obligation provoqué, aurait été repoussée.
- Elle nous oblige à recevoir: On peut déclencher en nous un sentiment de dette en nous donnant quelque chose que nous n’avons pas sollicité. L’obligation de rendre constitue l’essence même de la règle de réciprocité mais c’est l’obligation de recevoir qui rend la règle de réciprocité si facile à exploiter.
Exemple: il est impoli de refuser un cadeau. - Elle nous pousse à rendre vite et plus: Une petite attention initiale peut créer un sentiment d’obligation assez fort pour faire consentir une faveur nettement plus importante. La reconnaissance est un sentiment désagréable: nous sommes prêts à accorder un avantage disproportionné à celui que nous avons reçu (échange inégal) pour nous délivrer du fardeau de la dette et de l’étiquette de « profiteur ».
La règle de réciprocité autorise la même personne à choisir à la fois l’action créatrice de dette et celle qui remboursera la dette.
Ce pouvoir de la règle de réciprocité est évidemment utilisé comme une stratégie commerciale plus ou moins consciente: c’est le cas par exemple des échantillons, dégustations ou essais gratuits qui sont des « cadeaux » permettant d’enclencher a règle de réciprocité.
Enfin, la dernière conséquence de la règle de réciprocité est que nous devons faire une concession à qui nous en fait une: c’est la base des concessions réciproques et de toute négociation.
Pour Cialdini (1990), le moyen de contrecarrer la règle de réciprocité est de prévenir son activation, notamment en refusant l’offre initiale faite par le solliciteur. Il s’agit également de savoir dire NON à la règle de réciprocité lorsque nous identifions que la faveur initiale n’était pas un geste authentique mais une technique de persuasion: nous n’avons pas l’obligation de rendre face à un geste calculé.
2. Le principe de rareté et la réactance
Principe de rareté: Une chose qui par elle-même n’est pas attirante devient beaucoup plus attrayant simplement parce qu’elle n’est bientôt plus disponible (Cialdini, 1990).
Exemples : fin de série, les soldes, « en exclusivité », « représentations exceptionnelles »…
Non seulement nous désirons davantage un article lorsqu’il est rare, mais nous le désirons particulièrement quand nous sommes en situation de compétition.
Exemple : « plusieurs personnes intéressées par cet appartement »…
La rareté matérielle (rationnement) ou dans le temps (disponibilité) rend plus précieux, et la compétition accroît ce phénomène.
L’effet de la rareté s’amplifie quand le caractère rare est soudain.
Tout ce qui s’éloigne de notre porté semble plus précieux.
Le principe de rareté s’appuie sur la réactance psychologique de Brehm (1966) appelée aussi « théorie de contrôle de la liberté » de Brehm et Brehm (1981).
En effet, lorsqu’un qu’un objet quelconque se raréfie ou que quelque chose nous empêche de l’obtenir, nous réagissons contre ces forces contraires en désirant et en recherchant davantage cet objet pour retrouver notre liberté d’action.
Réactance: c’est le désir de combattre les restrictions à nos libertés. La réactance est une sorte de rébellion contre toute atteinte à notre liberté d’action qui est fondée sur le désir de préserver nos privilèges (Brehm, 1966; Brehm & Brehm, 1981).
D’après la théorie de la réactance: chaque fois que notre liberté de choix se trouve limitée ou menacée, nous y attachons soudain plus de prix et nous estimons davantage les biens qui y sont liés (Cialdini, 1990).
La réactance est donc une sorte de rébellion contre toute atteinte à la liberté d’action.
Tout interdit provoque en nous un phénomène de réactance. Il y a une tendance à désirer ce qui est interdit et à lui attribuer par conséquent toutes sortes de vertus.
Exemple : Roméo et Juliette… Une étude de Driscoll (1972) a été menée sur 140 couples : plus l’opposition parentale s’accentuait envers le couple et plus le couple était soudé, et quand l’opposition faiblissait, les sentiments réciproques avaient tendances à refroidir.
Le phénomène de réactance se produit également en cas de restriction d’information. Ainsi, les tenants de positions peu populaires peuvent habilement nous rallier à leurs positions en s’arrangeant pour que leur message soit censuré (parti politique, personnage public…). Pour de tels groupes, la stratégie la plus efficace peut être, non pas de faire connaître leurs opinions controversées mais de faire en sorte de subir une censure officielle ou non, puis de faire connaître cette censure.
En marketing et dans la vente, le principe de réactance est intéressant pour comprendre les conséquences négatives que peut avoir une pression à l’achat qui serait jugée trop forte.
SOURCES
- Beauvois, J.-L. Joule, R.-V. (1981). Soumission et idéologie. Psychosociologie de la rationalisation. Paris : Presses Universitaires de France.
- Cialdini, R. (1990). Influence et manipulation, édition FIRST.
- Joule, R.V., Beauvois, J.-L. (1987). Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens. Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble.
- Joule, R.V., Beauvois, J.-L. (1998). La soumission librement consentie. Paris : Presses Universitaires de France.
- Moscovici, S. (1994). Psychologie sociale des relations à autrui. Paris : Nathan Université.
- Mugny, G., Oberlé, D. Beauvois, J.-L. (1995). Relations humaines, groupes et influence sociale. Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble.