L’attachement est un lien affectif privilégié que l’on établit avec une personne spécifique, auprès de laquelle on va se tourner pour trouver du réconfort en cas de détresse et retrouver ainsi un sentiment de sécurité (Bowlby, 1969).
La figure à laquelle le bébé s’attache va lui servir de base de sécurité à partir de laquelle il va pouvoir explorer le monde et vers laquelle il pourra revenir s’il se sent menacé (Ainsworth, 1973). Ainsi, l’attachement n’est pas un frein à l’autonomisation.
L’histoire relationnelle d’attachement vécue dans l’enfance entre l’enfant et son parent va influencer la façon dont chaque individu va concevoir ses relations une fois adulte.
Ainsi, les théories de l’attachement permettent de comprendre chez l’adulte :
- Ses liens interpersonnels
- Ses relations proches et soutenantes en situation de stress
- Ses réactions face à la maladie ou à la douleur (acceptation de la maladie, résilience, relation soignant-soigné)
- Ses choix des stratégies de coping, ses réactions défensives et ses addictions
1. Les types d’attachement
Ainsworth (1973) a défini 4 formes d’attachement entre l’enfant et ses parents :
- L’attachement sécurisant
- L’attachement évitant
- L’attachement résistant
- L’attachement désorienté
L’attachement sécurisant permet :
- d’augmenter la résistance au stress et la résilience
- de constituer une base de sécurité favorisant une meilleure résolution des difficultés rencontrées
- de développement des facteurs de protection facilitant un développement optimal et un bien-être psychologique
La sécurité dans l’attachement ne signifie pas l’immunité face aux souffrances psychologiques, mais elle permet de développer des compétences qui les réduisent.
À l’inverse, les attachements évitant, résistant et désorienté sont des types d’attachement insécurisants qui sont corrélés à une moins bonne capacité d’adaptation aux situations nouvelles ou difficiles.
Les types d’attachement insécurisants constituent des facteurs de risque de troubles du comportement lorsqu’ils sont combinés à des situations de vie stressante comme le décès d’un proche, le divorce des parents, ou un changement de domicile.
1. L’attachement sécurisant
Un attachement « sécurisant » se caractérise chez l’enfant par la recherche de proximité et du contact avec le parent, tout en permettant une prise de distance sans inquiétude, et un retour vers le refuge lorsque l’enfant perçoit une menace dans son environnement. L’enfant manifeste des réactions fortes lorsqu’on le sépare de la figure d’attachement.
Une disponibilité émotionnelle et physique harmonieuse de la part de la figure d’attachement est essentielle pour que le bébé puisse développer un attachement « sécure ».
Ce type d’attachement se développe lorsqu’une relation de confiance est établie entre l’enfant et le parent : il y a une communication directe des émotions, une flexibilité et une ouverture face aux informations reçues, et de l’empathie.
Bien que l’attachement sécurisant soit présent chez une majorité de personnes, certains enfants présentent les signes d’un attachement « non sécurisant ».
2. L’attachement évitant
Les enfants « évitants » sont caractérisés par un évitement du contact avec la figure d’attachement.
L’attachement « évitant » serait lié à des interactions intrusives ou un rejet de la part de la figure d’attachement.
Le comportement de l’enfant se manifeste alors par :
- un refus de dépendre de l’adulte même lorsqu’il est anxieux
- l’absence de réaction lors de la séparation
- l’absence de recherche d’un contact physique
- une relation superficielle à l’autre
- une difficulté à conserver les bons moments sans les détruire.
Les enfants évitants tendent à masquer leur détresse émotionnelle, ou à se sentir invulnérables, et semblent considérer qu’on ne peut pas faire confiance aux autres.
Ils essaient de garder le contrôle dans les situations de détresse, notamment en réduisant l’émission de signaux de détresse en direction de l’environnement.
Bowlby indique que certains enfants évitants, dès 12 mois, n’expriment déjà plus à leur mère certaines de leurs plus vives émotions, ni leur désir profond de réconfort et de confiance.
3. L’attachement ambivalent ou résistant
L’enfant « ambivalent » ou « résistant » présente une dépendance excessive tout en manifestant des comportements de rejet.
Ce type d’attachement semble associé à une incohérence des réponses parentales alternant entre la disponibilité et le rejet.
L’enfant ambivalent semble avoir intériorisé l’image d’un parent répondant de façon inconstante à ses besoins.
Le comportement de l’enfant est caractérisé par :
- un intense besoin de se coller à son parent
- une inhibition sociale
- une faible autonomie
- un abandon des conduites d’exploration de l’environnement
Ces enfants semblent intensément affectés par la séparation mais se montrent très ambivalents à l’égard de leur parent lorsqu’ils le retrouvent : ils désirent être près de lui tout en étant en colère contre lui et n’arrivent pas à se calmer.
L’enfant ambivalent n’est pas réconforté lors des retrouvailles. Il adopte la stratégie d’exagérer l’affect dans le but d’avoir l’attention du parent(augmentation des signaux de détresse).
4. L’attachement désorganisé ou désorienté
Ces enfants ne semblent pas avoir développé de stratégies adéquates pour gérer le stress de la séparation.
L’enfant « désorienté » ou « désorganisé » a un comportement qui ne semble pas correspondre au contexte, change sans raison apparente, passe d’un extrême à l’autre.
On peut rencontrer cette forme d’attachement insécurisant dans les cas de maltraitance ou chez les enfants de parents toxicomanes qui pendant de longues périodes de la journée ne peuvent pas du tout répondre aux besoins de l’enfant. Le parent est lui même angoissé avec des traumas non résolus.
Au moment des retrouvailles après une séparation, l’enfant « désorienté » ou « désorganisé » peut demeurer pétrifié, immobile, tomber face contre terre, marcher en détournant la tête.
Souvent, on peut observer un mouvement vers l’adulte qui est freiné et détourné à la dernière minute.
Les comportements de l’enfant trahissent son incapacité à faire face et à résoudre la situation de stress car la figure de référence est à la fois source d’anxiété et de sécurité.
2. L’attachement chez l’adulte
Les théories de l’attachement permettent de comprendre les relations interpersonnelles à l’âge adulte : l’attachement adulte est hérité des attachements construits dans l’enfance.
Les relations d’attachement dans l’enfance sont internalisées pour former des schémas cognitifs durables qui vont influencer les réactions du sujet lorsqu’il se trouve en situation de stress.
Les liens d’attachement vont :
- Guider inconsciemment le sujet dans ses relations interpersonnelles en cas de détresse
- Influencer la manière dont le sujet va interpréter ses interactions avec les autres : est-ce qu’il mérite de recevoir de l’aide ? Est-ce qu’il peut faire confiance à l’autre pour lui procurer du réconfort ?
- Déterminer sa façon de concevoir la façon de prendre soin des autres, que ce soit ses enfants ou ses parents vieillissants.
L’identité de la figure d’attachement principale peut changer au cours de la vie (parents, partenaire) et les comportements d’attachement peuvent évoluer avec la maturation de l’individu.
1. Les relations d’attachement entre adultes
Contrairement à la relation d’attachement entre un enfant et son parent, les relations d’attachement entre deux adultes sont caractérisées par la réciprocité, c’est-à-dire que chacun des partenaires peut, alternativement, rechercher du réconfort auprès de l’autre ou lui en procurer : chacun devient figure d’attachement pour l’autre.
Bartholomew et Horowitz ont développé un système de classification chez les adultes comportant quatre styles principaux d’attachement : sécure, préoccupé, détaché, craintif.
Ces 4 styles délimitent des attitudes vis-à-vis de l’autonomie et de l’intimité dans les relations d’attachement et influent sur la vision de soi-même et des autres.
L’attachement sécure apparaît comme procurant un sentiment de sécurité et de sérénité grâce à la certitude d’un accès possible à une personne sur laquelle on sait pouvoir compter inconditionnellement en cas de besoin.
Le style d’attachement est une variable individuelle qui détermine notre régulation émotionnelle et nos stratégies de « coping » (mode d’ajustement au stress) :
- Un attachement « sécure » représente une ressource interne pour l’individu, lui permettant d’évaluer positivement les expériences stressantes et d’y faire face de manière constructive
- Un attachement de type insécure peut être considéré comme un facteur de risque entraînant un mode d’ajustement au stress moins efficace.
Ainsi, il existerait un lien entre les styles d’attachement insécures et des comportements addictifs (prises de toxiques, troubles du comportement alimentaire, comportement sexuel à risque). Le recours à ces comportements addictifs surviendrait lorsque les moyens habituels de régulation des affects sont débordés (Atger et al., 2001).
Le degré d’insécurité de l’attachement serait également prédictif d’une vulnérabilité accrue aux troubles dépressifs à l’âge adulte.
En cas de problème de santé, le style d’attachement du patient va conditionner la recherche d’aide auprès des professionnels de santé :
- Les patients ayant un style d’attachement sécure reconnaissent leur vulnérabilité : ils vont avoir tendance à faire confiance aux autres pour leur apporter de l’aide et ils vont s’autoriser à exprimer les sentiments « négatifs » que peut générer la maladie (anxiété, colère, etc.) sans que cela vienne altérer la relation avec les soignants.
- Les patients insécures peuvent éprouver des difficultés à admettre leurs symptômes et à estimer qu’il mérite de l’aide : ils peuvent aussi se montrer réticents à faire confiance aux soignants, voire même être hostiles.
2. L’attachement chez la personne âgée
Chez les personnes âgées, la perte de leur autonomie peut les conduire à se sentir plus vulnérables et plus dépendantes des personnes qui s’occupent d’elles. Cette dépendance s’accompagne d’une anxiété de séparation et d’une peur d’être abandonnée par la figure d’attachement. Les enfants, une fois adultes, peuvent jouer le rôle de figure d’attachement pour leurs propres parents vieillissants.
Il a été observé chez les patients déments une tendance à réclamer la présence de leurs parents, pourtant décédés. Cette « fixation sur le parent » est interprétée à la lumière de la théorie de l’attachement : la démence transforme l’environnement quotidien en quelque chose de non familier et d’inquiétant. Pour rétablir un sentiment de sécurité, le patient oriente ses comportements d’attachement vers les figures d’attachement qui le rassuraient, la famille proche le plus souvent.
SOURCES :
Ainsworth, M.(1973). The development of infant-mother attachment, in CALDWELL B., RICCIUTI H.N. (Ed.) : Review of Child Development Research, Univ. of Chicago Press, Chicago, 1973 ; p. 1–9.
Atger, F., Corcos, M., Perdereau, F., Jeammet, P. (2001). Attachement et conduites addictives. Ann. Med. Interne, Vol. 152, suppl. au n° 3, p.1S67-1S72.
Bonneville-Baruchel, E. (2018). Troubles de l’attachement et de la relation intersubjective chez l’enfant maltraité. Carnet de notes sur les maltraitances infantiles, 7(1), 6-28.
Bowlby, J. (1969). Attachment and loss. Volume 1. Attachment. London : The Tavistock Institute of Human Relations.
Pour une version française : Bowlby, J. (2002). Attachement et perte. Volume 1. L’Attachement. 5ème édition. Paris : PUF.
Delage, M. (2009). Comment s’attache-t-on dans un couple ?. Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 42(1), 87-105.
Guédeney, N., Guédeney, A. (2006). L’attachement : concepts et applications, Elsevier Masson, Paris (2eéd.)
Mistycki, V. & Guedeney, N. (2007). Quelques apports de la théorie de l’attachement : clinique et santé publique. Recherche en soins infirmiers, 89(2), 43-51.