Les stratégies d’auto-handicap

1. Définition de l’auto-handicap

DEFINITION : L’auto-handicap consiste à mettre un obstacle réel ou imaginaire à sa propre performance dans le but de manipuler et rendre ambiguë l’explication de cette performance.

L’auto-handicap est une stratégie mise en place sciemment par un individu afin de préserver son estime de soi. 

En effet, toute action ou choix d’auto-handicap lors d’une situation de performance peut permettre d’augmenter la possibilité d’excuser l’échec (Berglas et Jones, 1978).

L’anticipation d’une éventuelle menace pour l’estime de soi ou une incertitude sur ses propres capacités favorisent l’émergence des stratégies d’auto-handicap. Elles permettront de préparer une excuse toute faite pour attribuer un éventuel échec à un facteur extérieur à soi plutôt qu’à un manque de compétence. 

Les stratégies d’auto-handicap sont généralement utilisées dans les situations où les enjeux sont particulièrement importants et où les impacts sur l’estime de soi sont susceptibles d’être les plus mortifiants.

2. Les différentes stratégies d’auto-handicap

Les chercheurs ont distingué deux formes d’auto-handicap :

  1. L’auto-handicap déclaré : consiste à déclarer verbalement l’existence de difficultés ou d’obstacles comme le stress, la blessure ou la maladie.

OBJECTIFS : consiste à reconnaître une défaillance personnelle ou à révéler publiquement un handicap mineur pour cacher une faiblesse plus importante et plus menaçante pour le soi.

2. L’auto-handicap comportemental: c’est une forme d’auto-handicap plus active. Il consiste à se créer réellement un ou plusieurs obstacles avant la réalisation d’une tâche ou d’une épreuve (obstacle réel à la performance).

Exemple : réduction de l’effort fourni, procrastination, manque de préparation ou d’entrainement, blessure…

OBJECTIFS : Un éventuel échec lors d’une épreuve ou de l’accomplissement d’une tâche sera alors imputé au handicap et non à un manque de compétence. Dans le cas où la personne réussit en dépit du handicap, la réussite apparaîtra aux yeux de l’utilisateur comme à ceux des observateurs comme plus méritante qu’elle ne l’est véritablement et laissera présager une meilleure compétence qu’en l’absence du handicap.

L’auto-handicap comportemental peut influencer directement la performance.Ce type d’auto-handicap serait ainsi plus efficace pour protéger l’estime de soi car il est plus facile de le relier à la performance que les stratégies déclarées. 

Les recherches sur l’auto-handicap montrent que les femmes et les hommes font autant appel aux stratégies déclarées, mais les hommes s’engagent plus facilement dans des stratégies d’auto-handicap comportemental que les femmes (Harris & Snyder, 1986). 

Les stratégies d’auto-handicap se distinguent également par la temporalité de leur utilisation qui peut être ponctuelle (auto-handicap état) ou fréquente (auto-handicap trait). En effet, bien que les personnes peuvent ne jamais utiliser l’auto-handicap, d’autres peuvent l’utiliser de façon occasionnelle ou de façon chronique. 

3. Exemples de stratégies d’auto-handicap

La littérature relève un large panel d’auto-handicaps tels que : 

AUTO-HANDICAP COMPORTEMENTAL

1) Se procurer soi-même un véritable handicap par : 

  • La consommation de drogue ou d’alcool
  • La réduction de l’effort
  • Le manque de préparation à une tâche
  • Le manque d’entraînement
  • La procrastination

Un éventuel échec lors de l’accomplissement d’une tâche sera alors imputé au handicap et non à un manque de compétence.

2) Choisir des obstacles n’affectant pas directement la personne mais les conditions dans lesquelles se déroulent la performance : 

  • S’associer à un partenaire inapproprié
  • Donner l’avantage aux adversaires
  • Choisir de réaliser des tâches très difficiles
  • Se fixer des buts inaccessibles
  • Refuser l’aide d’autrui

Ces obstacles sont destinés à rendre floues les conditions dans lesquelles est évaluée la compétence afin d’atténuer les résultats de l’évaluation.

AUTO-HANDICAP Déclaré

1) Déclarer un handicap / une gêne tels que :

  • Une maladie
  • De l’anxiété, du stress
  • Divers symptômes physiques et psychologiques
  • Des événements traumatiques dans l’histoire personnelle
  • De la timidité
  • Abandonner en prétextant un manque de motivation ou une douleur soudaine

Ces obstacles rendent flou le niveau de compétence de la personne (avant ou pendant la performance).

2) Déclarer des obstacles n’affectant pas directement la personne mais les conditions dans lesquelles se déroulent la performance : 

  • Des conflits avec les partenaires et/ou les managers
  • Un contexte d’accomplissement défavorable
  • Des obligations professionnelles et/ou personnelles
  • Des problèmes personnels

Ces obstacles rendent floues les conditions dans lesquelles est évaluée la compétence.

4. Auto-handicap & Estime de soi

Certaines recherches ont mises en évidence une corrélation négative entre l’échelle d’auto-handicap et des échelles d’estime de soi indiquant que plus les individus ont une faible estime de soi, plus les scores à l’échelle d’auto-handicap sont élevés (Feick & Rhodewalt, 1997). 

D’autres études indiquent que les individus qui ont un score élevé sur l’échelle d’auto-handicap ont tendance à avoir peur de l’échec et sont concernés par les jugements sociaux que les autres peuvent émettre sur leurs performances (Knee & Zuckerman, 1998).

SOURCES : 

Berglas, S., & Jones, E. E. (1978). Drug choice as self-handicapping strategy in response to noncontingent success. Journal of Personality and Social Psychology, 36, 405-417.

Coudevylle, G.R., Gernigon, C., Martin Ginis, K.A., Famose, J.-P. (2015). Les stratégies d’auto-handicap : fondements théoriques, déterminants et caractéristiques, Psychologie française, 60, 263–283.

Feick, D. L., & Rhodewalt, F. (1997). The double-edged sword of self-handicapping: discounting, augmentation, and the protection and enhancement of self-esteem. Motivation and Emotion, 21, 147-163.

Knee, C. R., & Zuckerman, M. (1998). A nondefensive personality: Autonomy and control as moderators of defensive coping and self-handicapping. Journal of Research in Personality, 32, 115-130.

Kraïem, S., Bertsch, J. (2011). Adaptation française d’une échelle d’auto-handicap : la Self-Handicapping Scale, Revue internationale de psychologie sociale, 2(Tome 24), 5-31.

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